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Le « Millefeuille » administratif ne diminuera pas de taille…

Un imbroglio à la française présent partout

Les élections municipales et la Covid sont révélatrices d’un « mal français » qui affecte les citoyens et les politiques pour des raisons différentes. Le « Millefeuille » administratif, tient toujours le haut du pavé. Le souci de simplification et le contrat de responsabilité occupent les esprits. Chacun devra balayer devant sa porte surtout en cette période multi crises pour tenter de s’affranchir de ce lourd handicap.

Au-delà de sa connotation culinaire à base de pâte feuilletée, le « Millefeuille » désigne aussi l’organisation institutionnelle et administrative française. Des siècles de féodalité et de royauté ont conduit à instaurer le département comme échelon de base. Quoiqu’en pensent nos dirigeants à l’heure du renouveau, la lourdeur des procédures ne diminue pas. Les « unes » sont remplacées par les « autres » avec le simple souci de vouloir satisfaire « tout le monde », en témoigne le nombre astronomique d’amendements pour un projet de loi. L’Entreprise n’échappe pas non plus à la règle à tous les niveaux !

Bref rappel historique

Avant la révolution française, la France était divisée en province. Les départements ont été créés le 22 décembre 1789. Chacun sait qu’en plus de la suppression des enclaves territoriales et des privilèges, l’une des vraies raisons de ce découpage était de permettre à tout citoyen d’atteindre son chef-lieu en une journée de cheval. Ainsi, les cantons vont correspondre à des regroupements de communes, lesquels sont rattachés à des districts, le tout s’emboîtant parfaitement dans les départements. En février 1800, les districts sont remplacés par des arrondissements. Chaque niveau n’a pas les mêmes prérogatives, gestion, administration et représentativité de l’Etat et du citoyen. Mais il existe.

Une « petite » collection qui a des origines bien pensées – source Dalloz



La France est un État centralisé. La compétence législative n’est pas déléguée localement. Depuis la création des départements (préfecture), des cantons, des communes et des arrondissements (sous-préfecture), les régions sont apparues progressivement dans les faits depuis le milieu des années 1950. Dans un premier temps, elles deviennent le 2 juin 1960 des circonscriptions d’actions régionales. Leur existence au travers d’un organisme régional représentatif voit le jour par la loi du 5 juillet 1972. C’est Gaston Deffere qui fait voter une loi de décentralisation qui consacre le terme de « Région » et en fait des institutions départementales à part entière. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a défini comme « collectivités territoriales de la République », les communes, les départements, les régions, les ensembles à statuts particuliers, en métropole comme la Corse et en outre-mer. L’appellation « territoire d’outre-mer » n’a plus de valeur juridique depuis cette date.

Dernier état des lieux : 7 niveaux en quelques chiffres

En France aujourd’hui, les divisions du territoire jouent plusieurs rôles. Suivant les cas, les divisions territoriales sont considérées soit comme des circonscriptions administratives liées à la décentralisation de l’Etat, soit comme des circonscriptions électorales, ou encore comme des circonscriptions territoriales, dotées de pouvoir juridique et administratif. Les divisions territoriales s’échelonnent de la commune (les 3 rôles), à l’intercommunalité (aucun rôle), au canton (un rôle électoral), à l’arrondissement (un rôle administratif), au département et à la région (les 3 rôles).

La France est composée de 27 régions dont 5 sont outre-mer. Chaque région a un préfet. Le territoire est divisé en 101 départements dont 5 sont outre-mer. Chaque département a aussi un préfet. Lorsque la région se confond avec le département, le préfet de région est aussi préfet de département. Chaque département est découpé en arrondissement. A l’exception de deux d’entre eux, tous accueillent un sous-préfet. Avant le nouveau découpage en cours, il y avait en 2013, 4055 cantons (découpage à vocation électorale). A cela s’ajoute l’ensemble des communes en France qui s’élève à 36.680 sur l’ensemble du territoire au 1er janvier 2014 dont 36551 en métropole.

Un système difficile à gérer - source : les enquêtes du contribuable



Afin d’améliorer le rapprochement des compétences et d’une partie des moyens, c’est de la coopération entre les communes qu’est née la notion d’intercommunalité. Nous comptions en France au 1er janvier 2013, 2456 « Établissements publics de coopération intercommunales » (EPCI), plus connus sous le nom de métropole, de communautés urbaines, de communautés d’agglomération ou le plus souvent de communautés de communes. Les EPCI sont à fiscalité propre. Ils représentent 98,3% des communes et 92,1% de la population. D’autres systèmes moins avancés parlent de syndicats de communes ou intercommunaux, etc… Quant à la notion de « Mégapole » attendons la suite…

La représentativité électorale poussée à son paroxysme

Ce « Millefeuille » de 7 étages est très caractéristique de l’immobilisme à la française. Toujours d’accord pour le changement, les bénéficiaires de ce système féodal sont toujours hostiles dès lors qu’ils sont concernés par le moindre mouvement. Le total de tous ces échelons représentatifs et de leurs sous-ensembles dépasse les 40.000 !

Pour « gérer » l’ensemble de ce « Millefeuille », il faut autant d’élus responsables, maire, président d’intercommunalité, de métropole, de Conseil départemental (nouvelle appellation depuis 2013), de Conseil régional sans parler des préfets et sous-préfets. A cela s’ajoute une kyrielle de maire-adjoints, de vice-présidents et de chargés de mission. Tous bénéficient d’indemnités en tous genres, souvent doublées et la plupart du temps non imposables, sans parler des notes de frais.

Plus de 550.000 élus pour une population de 66 millions d’habitants ! Comment peut-on comprendre qu’une commune de moins de 4000 habitants possède un Conseil municipal avec 27 élus dont 6 ou 7 maire-adjoints ? Ces derniers sont indemnisés. Par expérience, chacun sait qu’environ un faible tiers est actif. Elus engagés et dévoués, ils assurent l’essentiel, même si certains d’entre eux ne sont là que pour le pouvoir. Un autre tiers contemple et approuve sans franche participation. Le dernier tiers se partage entre quelques opposants élus et des absents permanents. Qu’ils se disent appartenant à un parti dont ils ont obtenu l’investiture ou tout simplement « apolitiques de salon », ils oublient très vite les raisons pour lesquelles ils ont été élus.

La transversalité des collectivités - source : Phileas Gobi



Trop souvent, les privilèges, les passe-droits et les combines entretiennent les « rumeurs » et les « ragots » qui occupent les discussions. L’intérêt général et l’écoute citoyenne ne sont pas de mise au delà d’une campagne locale municipale pleine de promesses et de contacts chaleureux pour la conquête du pouvoir ou le maintien des privilèges. Très vite la politique au sens large reprend le dessus en se tournant vers le niveau supérieur, c’est-à-dire à celui de l’intercommunalité. Et ainsi de suite de niveaux en niveaux, après la distribution des postes. Il en sera de même après les cantonales et les élections sénatoriales.

Comparaison n’est pas raison, mais…

Etat fédéral, les Etats-Unis avec plus de 300 millions d’habitants ont aussi deux chambres : 100 sénateurs et 435 représentants. En France pour 66 millions d’habitants, il y a 350 sénateurs et 577 députés ! En ce qui concerne le nombre de communes, les chiffres sont éloquents : en Allemagne, également état fédéral, on compte 12.196 communes pour 81,5 millions d’habitants ; en Italie 8.161 communes pour 61 millions d’habitants.

Avec un total de 36.680 communes la France n’est pas sortie de son « Millefeuille » ! Si une majorité de Français est d’accord pour diviser au moins par un facteur 2 le nombre d’élus (bénévoles et indemnisés), nombre d’entre eux sont dans l’incapacité de trancher quand ils se sentent concernés ! Là encore la France appartient à l’Union européenne et dans la zone euro, notre représentation au parlement européen en rajoute une couche…

Jacques Martineau

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