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Le dialogue social ne tolère pas l’à peu près…

En cas de crise, il ne doit pas se limiter à de la concertation !

La réforme des retraites était un des points forts de la campagne présidentielle. Depuis près de 2 ans, un nombre important de rencontres et de réunions ont eu lieu avec les partenaires sociaux, patronat et syndicats des salariés. L’objectif étant une retraite universelle pour l’ensemble des secteurs et catégories de salariés. En septembre, le gouvernement accélère la mise, avec le rapport de Jean-Paul Delevoye en charge du dossier.

Les réalités du moment et l’approche gouvernementale

En trois mois, le « flou » s’installe. On nous parle de date d’application, Réforme systémique (par points) et paramétrique (âge de départ, durée et montant de la cotisation) ou simplement systémique pour satisfaire un ou plusieurs syndicats.

18 mois de consultation et de concertation… sans négociation ! – montage : clubespace21



Les mots l’emportent sur la raison : âge pivot, système par points, taux plein, valeur d’acquisition, clause du grand-père, suppression des régimes « spéciaux », dates d’adoption du projet de loi, d’application et de mise en œuvre de la réforme, taux de reversement et de reconversion, etc. Quelle génération est concernée, classe d’âge, nouveaux entrants ? Qui y gagne ? Qui y perd ? Plus personne n’y comprend rien. Une chose est sûre, la confiance n’est plus de mise. La défiance prend le pas. Tous les « acteurs » sont dans le doute. Le problème reste entier pour Bercy, où seront les économies pour un système actuel jugé déficitaire à plus de 10 Mds€ en 2025.

L’utilisation abusive des « éléments de langage » gouvernementaux ne changent rien. A la demande de l’exécutif, les ministres et les élus sont là pour tenter de convaincre. La communication consiste à répéter sous différentes formes, le « message du jour ». Les interventions se succèdent dans tous les médias. Ils s’apparentent très vite à de la propagande mal ficelée. Les mots et les slogans se multiplient de part et d’autre, les syndicats et les salariés y contribuent. Résultat : l’illusion ne remplace pas l’efficacité. Manifestations, jours de grève et tensions se multiplient pour reculer sans cesse et revenir à la « case départ » en rang serré.

Que dire de la proposition du gouvernement ? Il fluctue en fonction des évènements pour conclure qu’il a été fixé d’avance et que les concertations s’achèveront après la première manifestation du 5 décembre (probablement plus d’un million de citoyens dans la rue, dans tout le pays), prévue depuis 2 mois et qui ne reste pas sans suite avec le rassemblement massif du 17 décembre et une grève qui se poursuit !

Depuis le 11 décembre le premier ministre s’est exprimé et a fait part de sa proposition, 64 ans, âge pivot, valeur du point, échelonnement des dates d’entrée, etc. Le gouvernement continue avec autant de pas en avant qu’en arrière ou de côté « à droite » ou « à gauche », prêt à faire toutes concessions possibles pour préserver un grand nombre de régimes « particuliers ».

Impossible de satisfaire les partenaires sociaux. Le seul objectif pour satisfaire cette promesse électorale, en dehors de toute réalité serait-elle de sauver la face ! De nouveaux sous-entendus sont apparus qui desservent l’exécutif. On ne cesse de parler de confiance et de défiance, de gagnants et de perdants, de justice ou d’injustice, de majorité et d’opposition, etc. La présentation du premier ministre devant le Cese et les médias ne pouvait suffire à lever tous les points de litige…

Fortes manifestations en France, le 5, le 9 décembre, etc… montage : clubespace21.fr



Alors comment fallait-il s’y prendre ? Par la négociation !

Il ne peut y avoir de dialogue social efficace que si les différentes parties autour de la table de négociations sont suffisamment fortes et représentatives. Est-ce le cas aujourd’hui ? La réponse est non. On passe très vite de l’information à une communication excessive. Les « éléments de langage » qui se succèdent dans tous les médias s’apparentent très vite à de la propagande mal ficelée. Après la consultation, la concertation individuelle permet de recueillir quelques avis et réactions auprès des différents partenaires sociaux pour prouver que le gouvernement écoute afin de sauver ses arrières, vis-à-vis de l’opinion. C’est faux de parler de dialogue social...

La négociation doit entrer en jeu sur des sujets importants. Cette approche de concertation est insuffisante. Mais négocier est une autre affaire qui peut déboucher sur des compromis ou remettre en cause les propositions pour dégager d’autres solutions. Cela nécessite de rassembler un minimum de partenaires sociaux, de syndicats représentant une majorité de salariés et les principales composantes du patronat. Dans ce cas, le gouvernement ne peut plus se contenter d’un rôle d’arbitre, ni de chercher à imposer son point de vue sans accord.

Satisfaire les cheminots, les fonctionnaires et les jeunes du privé ? - montage : clubespace21.fr



Cette dernière étape essentielle n’a jamais été franchie par l’État. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles le dialogue social n’est pas prêt à s’engager sur le fond, alors que, en oubliant la réforme actuelle des retraites focalisées sur les régimes spéciaux et en pleine confusion, les sujets de préoccupations et les chantiers, dans le public comme dans le privé, ne manquent pas. Ils devraient être abordés à l’initiative ou pas du gouvernement.

L’exécutif est pris entre trois impératifs : (1) réformer pour changer et montrer qu’il agit ; (2) rassurer le patronat en quête de stabilité ; (3) vouloir satisfaire son électorat en permanence. Eu égard aux salariés, du public ou du privé, et vis-à-vis des syndicats, il n’a aucun engagement.

Une conclusion évidente : le dialogue social actuel est un mythe

Ceci signifie qu’aucune consultation, à l’initiative de l’ensemble des partenaires sociaux, ne peut avoir lieu par anticipation à propos d’un simple projet de loi ou en cas de risque de conflit majeur. Le dialogue social avec une simple concertation est rare.

Quant à la négociation, elle n’existe pas. L’ignorer par obstination, par autosatisfaction ou par intérêt politique ne peut qu’entrainer à terme des contestations qui se transforment en mouvements sociaux pouvant aller jusqu’à d’importantes grèves, non exemptes de violences. Le résultat est à la hauteur du manque !

Globalement, c’est la réussite de l’échec pour tous. A des degrés divers et pour des raisons multiples qui leur sont propres, force est de constater que ni l’État, ni les partenaires sociaux (patronat et syndicats), artisans, commerçants, agriculteurs, professions libérales, personnel hospitalier, etc., personne n’est en position de force, pour parvenir à des accords négociés, acceptables par une majorité de français au travail.

Mais l’État est satisfait, la réforme sera proposée au prochain Conseil des ministres en janvier, quels qu’en soient le coût et les conséquences.

Jacques Martineau

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