www.clubespace21.fr

Accueil > Thèmes > L’Union européenne et la zone euro > Une Union européenne réduite à deux… (...)

Une Union européenne réduite à deux… encore pour combien de temps ?

Vers un leurre accepté et très bien entretenu…

C’est le rapport entre Charles de Gaulle et Konrad Adenauer qui conduit au traité de l’Élysée le 22 janvier 1963, scellant l’amitié entre la France et l’Allemagne. L’engagement de chaque pays à encourager et à favoriser cette amitié est le premier pas vers une coopération qui va voir le jour concrètement dans les années 70.

L’origine du couple franco-allemand

Entre Georges Pompidou et Willy Brandt, les retombées de la guerre froide ne les empêchent pas de créer Airbus en 1970, une entreprise franco-allemande. La relation entre Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt est caractérisée par une vraie concertation et une grande compréhension. Avec un Parlement européen, élu au suffrage universel, Simone Veil en devient la première présidente. François Mitterrand et Helmut Kohl concrétisent cette amitié, considérant que la relation entre les États est désormais fondamentale. L’origine de l’expression de couple franco-allemand vient de ces années.

De l’origine historique du rapprochement, en passant d’abord par l’émotion dans la relation avant une simple banalisation – montage : clubespace21.fr



Depuis les binômes vont se succéder et chacun marquer l’histoire européenne. C’est la fin de l’émotion dans la relation. Chaque pays est avant tout préoccupé par ses propres intérêts sur fond de construction européenne. La page d’un relationnel d’exception s’estompe pour se banaliser…

Dans l’Union européenne, au-delà du couple franco-allemand, l’existence de binômes n’est qu’occasionnels et par thématique. La notion et la répétition de mini-sommets parallèles à deux ou à trois n’ont jamais suffi à construire une véritable stratégie politique européenne commune et efficace. Même si la complexité du problème est incontestable, qu’il faille des initiatives, des propositions concrètes, jouer à deux ou à quelques-uns, n’est pas une solution viable à long terme. Une Union réduite à deux a-t-elle encore un avenir ?

L’exclusivité du couple franco-allemand

Placées sous l’égide d’une communication à tout prix, ces rencontres à deux s’assimilent à des élucubrations politiques sans effet, quels qu’en soient le prétexte, la raison, la forme ou le faste. On ne compte plus le nombre de sommets franco-allemand, à tout propos et en toutes circonstances. L’opinion publique les ignorent, quant aux autres partenaires européens, ils s’en sentent exclus, sans pour autant y percevoir le moindre préjudice puisqu’ils demeurent sans suite. La comédie du surplace n’a que trop durée. Les classements sont les mêmes, les problèmes demeurent et chacun finit par se boucher les yeux et les oreilles pour ne pas voir la vérité et entendre les critiques !

Au-delà des raisons profondes de la décision de Brexit du Royaume-Uni, il n’est pas difficile de comprendre que ce ménage permanent à deux n’était pas du goût de nos voisins d’Outre-Manche. Mais l’Union européenne, sous influence de l’Allemagne et d’Angela Merkel, trouvera probablement un accord pour un Brexit avec “deal”, acceptable et accepté par Teresa May et le Parlement britannique, pour sortir le Royaume-Uni de cette situation. Même si les intérêts des deux « dames » forcent la main pour cette solution, cette réaction dérange le « pensionnaire » de l’Élysée...

Brexit : une négociation sans fin toujours dans l’incertitude qui peut diviser le couple franco-allemand – source : lopinion.fr



Comment peut-on imaginer que l’avenir de l’Union européenne soit gérable avec deux pilotes à sa tête dont un commandant de bord reconnu (l’Allemagne) et un copilote dégradé (la France) ? Avec un déficit annuel de moins de 3%, une dette voisine de 100% du PIB (à hauteur de 2250 milliards d’euros), un taux de chômage supérieur à 9% (plus de 6 millions de personnes en recherche d’emploi), c’est l’occasion d’un satisfecit pour la France ! Une nouvelle amplement reprise dans la presse : 2018 est une année encourageante pour la maîtrise du budget ! Pour 2019, les perspectives s’avèrent encourageantes avec un taux de croissance prévu supérieur à celui de l’Allemagne, même si l’accroissement de la dette et du déficit sera plus important ! Quant au déficit commercial extérieur, il est préférable d’éviter d’en parler !

Chacun y trouve son intérêt

Cette relation franco-allemande à intérêts réciproques favorise la France au plan budgétaire et financier. La couverture bancaire germanique est essentielle et sert de caution vers la BCE. La tolérance allemande peut aussi se comprendre. Les intérêts de notre voisin à entretenir ce tandem sont loin d’être négligeables. Garant de notre dette, l’Allemagne profite à l’intérieur de l’Union européenne d’un excédent de commerce vis-à-vis de la France. Avec un marché à l’export de 75% sur l’ensemble de l’Europe dont 60% dans la zone euro, l’Allemagne ne tient pas à des règles protectionnistes, pas plus qu’à un euro affaibli.

Au-delà de notre position géographique naturelle, l’Allemagne lorgne sur nos principaux atouts. Les ressources énergétiques de la France sont mondialement reconnues. Un parc nucléaire, des moyens stratégiques de défense, une armée opérationnelle et un important marché d’armement sont autant d’avantages cachés non évoqués qui intéressent l’Allemagne. Sur fond d’un patrimoine historique et culturel à préserver, les secteurs de l’agriculture et de la pêche comme celui du tourisme sont autant d’atouts de premier rang très enviés par nos voisins. Club Espace 21 a déjà eu l’occasion dans un article récent de rappeler les acquis, les ressources et les progrès réalisés.

Des atouts et des acquis pas assez valorisés mais qui font bien des envieux – montage : clubespace21.fr



L’industrie aéronautique et spatiale, l’industrie automobile, les chantiers navals avec une ouverture maritime exceptionnelle, sans oublier le développement récent du numérique.

Comme puissance nucléaire, la France occupe un siège permanent au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. L’Allemagne et l’Union européenne, faute d’en obtenir un « nouveau » seraient tentées de proposer à la France de partager le « sien » ! Une requête surdimensionnée à sens unique et non recevable ! Et bien entendu, personne n’est dupe. Ce ne sont pas la France et l’Allemagne au nom d’une « vision commune » d’une hypothétique Europe qui infléchiront les États-Unis, la Russie ou la Chine sur des points stratégiques, de défense ou dans le cadre d’accords commerciaux internationaux.

Les limites d’un système à 27 sous une gouvernance bilatérale…

Dans tous les cas, les accords obtenus par le binôme à Bruxelles, concernent d’abord l’aspect économique. Les propositions politiques se limitent au sens politicien du terme au bénéfice des deux leaders affichés. La Commission européenne aux ordres du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement des États se charge d’apprécier ses recommandations et d’imposer à l’ensemble des membres les décisions qui en résultent. L’ingérence permanente dans le contrôle législatif des politiques des pays devient insupportable. Seule la distribution des bons points ou des blâmes occupe la presse économique au regard de leurs tableaux de bord.

Des plaques tectoniques, véritables obstacles à toute idée d’une gouvernance fédérale – source : clubespace21.fr



On a trop souvent tendance à oublier que cette Union rassemble 27 pays, Brexit oblige, dont 19 d’entre eux appartiennent en plus à une zone euro, à monnaie unique. Il va de soi que ce montage, privilégiant la relation bilatérale ne pourra pas s’éterniser sans contribuer à l’explosion de l’Union européenne. À court terme, la naissance d’un début de gouvernance européenne financière et économique dans le contexte actuel n’est qu’un rêve lointain.

L’ensemble de l’équilibre fragile du système s’appuie sur le traité de Lisbonne, dépassé et obsolète, inadapté en situation de crise ou à l’occasion de tout progrès. Ce traité est un frein pour le passage à l’action. Sera-t-il modifié ? Quand, comment, par qui et pour quoi faire ? Est-ce la solution ? Les différences d’origines, historiques et culturelles, ne peuvent faire fi des identités nationales. Cela exclue toute idée de gouvernance fédérale face à une véritable Europe des nations. L’Union européenne est désormais au pied du mur, les futures élections européennes seront-elles à l’origine d’un basculement ? A suivre…

Jacques Martineau

Retour Déjà parus

Nous contacter - recevoir la « lettre »

Pour tout contact, commentaire, abonnement à « La LETTRE », proposition d’article ou encore commande d’un livre, remplir le formulaire ci-dessous :