Entre 1990 et 2020, dû au réchauffement climatique, le Groenland aurait perdu plus de 4800 milliards de tonnes de glace. Ceci représente 0,16% du volume de la calotte glacière rappelle Vincent Lucchese. C’est ce que confirment les scientifiques danois spécialistes de l’Arctique. Ce phénomène n’est pas sans conséquence, sachant que le niveau des océans a crû de 1,4 cm. Les données sont confirmées par le GIEC.
Le 16 novembre dernier, Vincent Lucchese a publié un article très détaillé dans « Reporterre » où il fait une synthèse de la situation de la fonte des glaciers aujourd’hui. Nous nous sommes proposés de vous en faire partager quelques extraits.
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EXTRAITS DE L’ARTICLE DE VINCENT LUCCHESE DANS REPORTERRE
Une fonte rapide des glaciers de l’Arctique
Deux études scientifiques convergent pour le rappeler coup sur coup. Dans l’une d’entre elles, publiée le 9 novembre dans la revue Nature Climate Change, des chercheurs américains et danois ont analysé la fonte de plus de 1 000 glaciers périphériques du Groenland. Ces petits glaciers ne comptent que pour 4 % de la couverture de glace du pays, mais représentent 14 % de la perte actuelle de glace.
Le Groenland aurait perdu 280 milliards de tonnes de glace dans les années 2010 – montage CE21
La mauvaise nouvelle, c’est que le retrait de ces glaciers, provoqué par leur fonte, s’accélère considérablement : à une vitesse qui aurait doublé ces vingt dernières années par rapport aux décennies antérieures. En comparant leurs données satellites à de vieilles photos aériennes, les scientifiques ont calculé que ces glaciers avaient perdu pas moins de 18 % de leur longueur, en moyenne, dans les régions sud du Groenland, et entre 5 et 10 % ailleurs.
Contributeur majeur à l’élévation des mers
De fait, cette fonte massive provoquée par le changement climatique concerne déjà la calotte. L’île polaire géante perdait environ 40 milliards de tonnes de glace par an dans les années 1970, contre plus de 280 milliards de tonnes dans les années 2010, un facteur 7.). Le chiffre pourrait même être passé ces dernières années à 500 milliards de tonnes par an.
Photos de 2022 : création d’un lac formé par la fonte des glaciers – source : Reporterre
Conséquence : le Groenland est un contributeur majeur de l’élévation du niveau des mers, Soit 1,4 cm environ d’élévation des mers depuis 1978 (PNAS) et le rythme est croissant. En 2019 le GIEC indique que la montée des eaux pourrait être comprise entre 30 et 110 cm d’ici une centaine d’années, avec une forte part d’incertitude. Non sans conséquences dès 2050, pour 1 milliard de personnes.
Des barrages de glace qui cèdent
Les choses pourraient devenir encore plus déplaisantes avec la détérioration des plateformes de glace flottante, qui jouxtent les glaciers sur la côte nord du Groenland. Elles auraient perdu plus du tiers de leur masse depuis 1978.nCes plateformes ne contribuent pas directement à la hausse du niveau des mer mais elles servent à stabiliser les glaciers.
Schéma illustrant l’association classique entre un glacier (Ice sheet) et la plateforme flottante (ice shelf) qui l’accompagne et le prolonge dans l’océan. - source : Reporterre`
Si elles venaient à s’écrouler, ces plateformes pourraient en tout cas entraîner une accélération de la vitesse de déversement des glaciers dans la mer. C’est arrivé pour le glacier Zachariæ en 2003, dans le nord-est de l’île. La quantité de glace déchargée a été multipliée par deux après l’effondrement.
Des siècles de fonte à venir
La majorité de la fonte constatée sur ces plateformes (55 %) est provoquée par le contact avec des courants d’eau chaude qui viennent les grignoter par en dessous. Par le changement climatique, ces eaux venues de régions subtropicales sont davantage amenées qu’auparavant. Au pire la masse de ces glaciers aurait de quoi faire monter les mers de 2,1 mètres. Un calcul théorique puisque cela se passerait, dans le pire des cas, sur plusieurs millénaires.
Les glaciers de Tasiilaq, au sud du Groenland, fondent - source : Reporterre
Savoir à quel point l’inertie des glaciers rend la fonte en partie déjà inéluctable et irréversible, c’est-à-dire si l’on a déjà passé des points de bascule au Groenland, est tout aussi délicat. D’autres mécanismes sont à l’œuvre, qui s’autoalimentent dans la fonte des glaces. Le fait notamment que plus la calotte fond, plus elle perd en altitude et plus elle est donc confrontée à des températures élevées qui accélèrent à leur tour la fonte. Ou la baisse de l’albédo, c’est-à-dire du pouvoir réfléchissant des surfaces : par la transformation de la glace en eau liquide sombre ou par la baisse de l’enneigement, induits par le changement climatique et entretenant à leur tour la fonte et la baisse de l’albédo.
Vincent Lucchese