Dans une première partie, il a été question du problème que pouvait causer les migrations en 5 ans et la fracture que cela entrainerait dans la mosaïque européenne.
Le BREXIT qui a repoussé le Royaume-Uni au delà de la frontière naturelle du Channel, le fossé creusé entre les Etats « défenseurs des droits des réfugiés » à l’Ouest et ceux du Groupe de Višegrad et de l’Initiative des Trois mers à l’Est sont autant de fractures sous-jacentes.
Nous nous proposons dans cette deuxième partie d’examiner à présent le problème fondamental d’harmonisation sociale et fiscale ce qui peut être la cause d’autres fractures à venir.
1/ Les paradis fiscaux européens
L’exemple des Pays-Bas
Le droit fiscal prévoit une structure dite CV-BV (limited partnership-limited company) qui permet de dissocier le siège fiscal du siège opérationnel et de production des filiales. Cette double domiciliation permet d’attirer aux Pays-Bas une assiette fiscale fictive colossale, que l’on peut ensuite imposer (même faiblement).
Un réajustement de la liste noire des paradis fiscaux hors UE – source : LCI.fr
Irlande, Royaume-Uni et Luxembourg
La Commission a contraint l’Irlande à récupérer 8 mds de TVA non perçus auprès d’Apple. Le Royaume-Uni (pour compenser le Brexit) et le Luxembourg (Lux Leaks) facilitent l’accueil d’entreprises qui cherchent avant tout à échapper à l’impôt. Mais, pour maintenir un consensus, l’UE a décidé de ne pas retenir le niveau d’impôt sur les sociétés comme critère de définition d’un paradis fiscal.
2/ Le poids du système social français
La France dispose d’un « système de redistribution unique » en Europe (hormis les pays du Nord peu peuplés). Les allocations sont nombreuses (allocations chômage sur une longue période, allocations familiales, RSA, CMU, AME, APL…) auxquelles il faut ajouter la santé, les logements sociaux, l’éducation.
Ce système est considéré comme un outil de réduction des inégalités et donc de maintien de la « paix sociale » dans les périphéries urbaines et certains des départements, ce qui est le premier objectif des dirigeants. Personne n’a osé entrer dans le processus « suicidaire électoralement » de le réformer. Mais ce système a un coût considérable en termes de charges sociales et d’imposition sur les sociétés (IS) et sur les ménages (IR).
Tout d’abords sur l’industrie. L’industrie manufacturière s’est effondrée : elle représente à présent seulement 10 % du produit intérieur brut (PIB) en France, contre 20,3 % en Allemagne. Les créations d’emploi sont dans les services ou dans les très hautes technologies. Elles sont le fait majoritairement des start-up(s) et des PME.
D’une façon plus globale, les dépenses publiques représentent 57% du PIB en France contre 45% en Allemagne.
Evolution comparatives des dépenses publiques – source : Eurostat
Le poids de l’impôt sur le revenu (IR) repose sur une minorité de contribuables (10%) qui paie 70% de cet impôt. Plus de la moitié des Français en est exonérée.
Un principe dit « l’argent qui est surimposé va ailleurs ». Cela incite à l’établissement des sièges fiscaux des sociétés hors de France, à l’exil des contribuables fortunés qui résident à Londres ou juste au-delà des frontières suisse ou belge (à moins de 2 heures de Paris-Centre en TGV), ou des artistes et sportifs qui privilégient le soleil du Portugal ou de Los Angeles.
Comme toute imposition a des limites, le système contribue largement au déficit permanent du budget de l’Etat (70-80 mds). Le gouvernement devrait se contenter pour les prochaines années de surfer juste en dessous des 3% (critère du Pacte de stabilité).
3/ Une harmonisation ?
Conscient du problème spécifique français « ‘la France est un pays que l’on ne peut pas réformer’ » le gouvernement souhaite une harmonisation sociale et fiscale au sein de l’UE. Comme suite à la formation d’un gouvernement de coalition CSU/SPD en Allemagne, prévue en mars 2018, une initiative franco-allemande de réforme de la Zone Euro sera engagée au deuxième semestre 2018. Un budget spécifique est attendu pour financer un large plan d’investissement et de croissance dans cette zone.
Salaires minima ou comparatifs dans l’Union européenne en 2015 – source : Assemblée nationale
L’harmonisation fiscale restera probablement impossible, car il faudrait l’unanimité des vingt-sept Etats. Les Pays-Bas, l’Irlande et le Luxembourg n’abandonneront jamais les bénéfices des privilèges fiscaux accordés aux multinationales.
Les SMIC dans les pays les plus riches (Allemagne, France, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) resteront toujours très supérieurs à ceux des pays de l’Est, mais aussi à ceux de l’Espagne et de l’Italie. Cela incitera à une généralisation des mini-jobs à l’allemande et aux délocalisations vers l’Est. L’harmonisation sociale sera-t-elle possible ?
Qu’adviendra-t-il en Allemagne suite aux importants mouvements de grèves et de contestations dans la métallurgie en termes de durée de temps de travail et de pouvoir d’achat. Un premier indice de résultats à observer et à suivre montre que des accords seraient partiellement intervenus…
Georges Seguin