Comment peut-on encore laisser se multiplier les délocalisations, en particulier dans l’Union européenne et la zone euro ? Quelle attitude faut-il adopter devant des vagues de licenciements ? C’est un débat sans fin. Pertes d’emplois et plans sociaux se succèdent. Ils vont s’accélérer. Sur l’ensemble du territoire, les fermetures d’usines pour délocalisations, les faillites et les liquidations se multiplient. Le tissu industriel français s’effrite depuis des années. Ce n’est pas nouveau et ce n’est pas fini. Alors comment réagir et passer du constat à l’action ?
L’effritement du tissu industriel français
En 10 ans, plus de 500.000 emplois ont été détruits. En 2011, le secteur industriel concerne environ 3.200.000 emplois. À noter que sur la même période, l’Allemagne a perdu plus de 450.000 emplois industriels. Mais, pays producteur et exportateur, elle préserve un tissu industriel bien mieux structuré et plus important avec près de 7.500.000 emplois industriels. Face à leur impuissance et à leur manque d’idées, les acteurs sociaux français, syndicats et patronat, comme le pouvoir ont assisté avec plus ou moins de passivité à cette décomposition. Ils ont un défi à relever. Y parviendront-ils ? Des gadgets de dernier recours, plus médiatiques que réalistes, suffiront-ils à convaincre de leur effet salvateur ?
Source : Le Figaro
Les fonds utiles manquent. Et en matière de crédit, petites, moyennes et entreprises intermédiaires souffrent d’un soutien insuffisant des banques. Quels seront le rôle et l’efficacité de la Banque Publique d’Investissement (BPI) qui devrait se mettre en place prochainement ? L’ambiance est morose. Les carnets de commande sont en baisse. Les investisseurs sont hésitants quand ils ne se dérobent pas. Les conséquences pour l’emploi intermédiaire sont catastrophiques et irréversibles surtout pour la sous-traitance, les petites et moyennes entreprises, tributaires de la concurrence et de la course au profit. L’inégalité structurelle devant l’impôt et la réduction des charges patronales, sous forme d’aide à l’emploi, d’heures supplémentaires exonérées de charges sociales et non imposables, correspondent depuis des années à des passe-droit et des aides directes ou indirectes aux entreprises. Faudrait-il encore être en mesure d’évaluer la part du coût de l’ensemble des allègements et des cadeaux fiscaux existants, d’en apprécier l’efficacité et de pouvoir les remettre en cause ? Un audit général s’impose ? Une telle approche n’a de sens que dans le cadre d’une totale révision des aides attribuées qui dépassent les 30 Md€ et une profonde réforme fiscale, avec tout le discernement que cela nécessite entre les géants du Cac 40 et les TPE, les PME, les PMI et les ETI (entreprises de taille intermédiaire).
La main mise des multinationales et des fonds de placements étrangers, privés ou souverains, sur le marché français, avec la complicité, passive ou active, de l’État, favorise avant tout le profit financier et la spéculation monétaire au bénéfice de leurs actionnaires au détriment des forts besoins d’investissement privés dans la recherche et l’innovation et de la valorisation du travail et des salaires.
Les clés de la relance et de la croissance
La crise n’arrêtera pas le progrès. La progression scientifique et technologique dans le monde des pays développés est très rapide et influe sur l’évolution de la société. Synonyme d’une politique de l’offre, elle propose d’anticiper à la fois les réactions des pouvoirs publics et des investisseurs privés. Encore faut-il s’en convaincre, s’en donner les moyens et accepter les risques associés. La recherche fondamentale et la recherche appliquée sont les ingrédients nécessaires à un développement et une innovation technologiques à forte valeur ajoutée. Les secteurs de recherche, de haute technologie, et d’activités d’avenir ne manquent pas. On peut citer par exemple : l’aéronautique, l’automobile, l’électronique, l’espace, les énergies nouvelles et renouvelables, l’informatique, les matériaux, le nucléaire, les télécommunications et les transports. Sans oublier des secteurs aussi importants que l’environnement, le développement durable, l’agriculture, l’agroalimentaire, les biotechnologies, la médecine de pointe et la pharmacie.
Ce sont autant de secteurs prometteurs pour une croissance durable. La France a les ressources pour satisfaire les besoins en compétences. Le cas échéant, elle doit faire le nécessaire pour les augmenter. Le rapprochement recherche-industrie est un vieux serpent de mer qui n’a jamais su trouver sa place, faute de volonté politique et d’implication de chacune des parties. Des progrès sont en cours. Il faut les multiplier. Les campus universitaires en liaison avec les industriels et les milieux bancaires sont là pour cela. Les groupes industriels multinationaux privés doivent s’investir encore plus, en aidant les start-up, les TPE, les PME et les PMI, tournées vers la conquête de nouvelles idées et de nouveaux procédés. Chaque année, le nombre de brevets déposés au plan national ou encore à l’international même très important est encore insuffisant. Il faut encourager la créativité et l’invention avec une volonté et une détermination sans faille. Il y va de l’avenir de la France, de sa compétitivité et de son avenir. La part du privé en terme de recherche, comparée à celle du public, est très insuffisante. Elle doit être augmentée. C’est impératif.
Source : Cadres et dirigeants Communication
Le Crédit d’impôt recherche demeure un manque à gagner en termes de ressources fiscales pour l’État lorsqu’il est distribué sans discernement. Les réductions qui en découlent, doivent être contrôlées avec soin. La recherche et développement, R&D, est pour moitié financée par le secteur privé. Le reste est financé par l’État à travers les laboratoires publics et aides aux entreprises. La France se retrouve désormais au 14ème rang mondial en termes d’investissement dans la recherche ! Avec seulement 1,9% de son PIB consacré à la recherche civile, la France accumule un retard très important qui touche aussi bien le secteur privé que public, ce qui n’est pas acceptable. Très loin derrière les Etats-Unis et le Japon, en tête, la Suède, la Finlande et l’Allemagne sont les mieux placées dans l’Union européenne. Il ne faut pas s’étonner ensuite d’une fuite définitive des cerveaux à l’étranger et en particulier aux Etats-Unis. C’est à la charge des industriels et des grands groupes de prendre leurs responsabilités d’investir dans la recherche et aux banques de faciliter les crédits aux TPE et PME innovantes. Sous prétexte d’activités à l’étranger, ils ne peuvent pas se contenter de profiter d’avantages fiscaux avec un taux d’imposition sur les sociétés autour de 8% alors que les petites et moyennes entreprises sont taxées à hauteur de 33%. Tous doivent contribuer à l’avenir de la France et de ses citoyens sans tout attendre de l’État.
En France, sur les 25 dernières années, 2.500.000 emplois ont été créés par les petites et moyennes entreprises dont 50% pour celles de moins de 50 salariés, 10% pour celles de plus de 50 salariés. Les grandes entreprises, sur la même période ont supprimé de leur côté plus de 400.000 emplois. Il n’était pas inutile de le souligner. En précisant que la perte de compétitivité de l’activité industrielle s’est accentuée depuis le début des années 2000.
En Allemagne, 60% du taux de croissance sont liés à l’exportation tandis qu’en France les mêmes 60% du taux de croissance sont basés sur la consommation. À l’avenir, la croissance française ne pourra pas être entretenue en majorité par la seule consommation. Le retour a un équilibre du commerce extérieur est indispensable. Cela passe par une réindustrialisation progressive des entreprises intermédiaires et l’encouragement des propositions innovantes et un outil monétaire adapté. La compétitivité doit être favorisée dans des domaines où le savoir faire et la valeur ajoutée de nos entrepreneurs sont reconnus. C’est pourquoi, il faut refuser la cécité croissante entretenue des responsables politiques qui se réfugient derrière des chiffres confus, souvent sans valeur et présentés comme se voulant rassurants pour ne pas inquiéter l’opinion publique et les agences de notation.
Comment inverser les tendances ?
L’idéologie politique et le dogmatisme partisan sont à proscrire en matière économique et sociale, et encore plus dans le domaine de l’emploi. L’évaluation de la situation économique d’un pays procède de l’analyse détaillée de plusieurs données essentielles. Au-delà de son taux d’endettement, de son taux de déficit par rapport au PIB, de ses capacités de crédit, de son inflation et de son taux de croissance, il faut prêter une attention particulière à de multiples indicateurs. En priorité, il importe d’être attentif aux parts publiques et privées du PIB qui sont consacrées à des investissements productifs et destinés à contribuer à l’amélioration de la balance du commerce extérieur.
Le rapprochement de toutes ces données associé à son taux de croissance de l’année en cours permet d’avoir une meilleure lisibilité pour interpréter son taux de chômage. L’évolution et la projection de l’ensemble est à prendre en compte. D’autres informations sont liées à l’évolution de la population : le nombre de jeunes qualifiés ou non, diplômés, sortant du système scolaire, le nombre de disparus à la dérive, l’état de la démographie… Le total de la population active du pays (nombre d’habitants en mesure de travailler) est aussi un facteur important qui caractérise à la fois l’inertie et la capacité de rebond du pays. C’est en prenant en compte toutes ces données, par secteurs d’activité, par région, par bassin d’emploi, par groupe de population active et sur l’ensemble du pays dans le cadre d’une stratégie bien définie qu’un pays peut arriver à inverser les tendances et retrouver le chemin de la croissance. Mais attention, si la maîtrise des coûts et des dépenses fait partie de l’exercice indispensable de l’État, trop de rigueur ou trop d’austérité ne permettront de trouver les ressources nécessaires pour activer une relance intelligente et ciblée.
J.M.