A la fin de la dernière guerre, le traitement socio-économique de la situation du pays, basé sur la planification et les nationalisations, a entraîné un développement excessif de l’administration et de ses services. Il s’est accompagné d’une bureaucratisation primaire et a accru le rôle de l’Etat.
Les origines du malaise
C’est l’Etat « patron » qui a été le grand consommateur de compétences au détriment du secteur privé, dans tous les domaines. Le secteur privé, dans son ensemble, s’est comporté avec une mentalité de sous-traitants, en quête d’aides et de contrats publics.
Les grandes entreprises publiques ou privées se sont copiées mutuellement autant dans leur stratégie que dans leur système d’organisation. Elles se sont reconstituées ou sont nées après la guerre et ont vécu ensemble cette phase rapide de croissance.
Avec la création d’une école nationale d’administration en 1945, la panoplie des grandes écoles d’ingénieurs, de commerce et d’administration est complète. Celles-ci déversent chaque année dans l’entreprise des promotions entières de futurs cadres de haut-niveau, d’une uniformité de pensée et de culture qui s’avérera à terme comme un handicap supplémentaire à toute évolution. Les structures hiérarchiques lourdes qui en découlent, se trouvent au carrefour des idées tayloriennes et humanistes. Elles préfigurent le début de la démarche socio-économique. C’est l’ouverture au marché international qui débloquera en partie l’entreprise.
L’Etat « providence », autre qualificatif, poursuit son action centralisatrice. Il sert de référence pour tout et partout. Il s’auto-régénère. Les mêmes compétences, de mêmes origines, succèdent aux partants. C’est un renouvellement « consanguin ».
L’Etat « patron », qui a servi de modèle, est à l’origine des grands projets et de la relance générale des « trente glorieuses ». De nombreuses entreprises privées importantes ont bâti leur avenir en tirant profit de ces avantages. L’Etat a mis en place au long du temps des multitudes de structures pour assurer la maîtrise et la planification de ses réalisations. Son instinct jacobin est préservé.
La structure figée est toujours présente
En 2013, les structures d’Etat ont peu évoluées. Elles restent rigides. Le Colbertisme des classes dirigeantes est toujours là. L’Etat « partenaire » a timidement vu le jour. Lorsque c’est le cas, il est moins présent dans les mentalités.
Si les grandes entreprises publiques ont peu évolué dans leur structure interne, il en est de même dans le privé. Les grands groupes et multinationales ont nettoyé leurs façades et adapté leur langage. Même lorsque de grands patrons français en tiennent les « commandes », nombre de ces très grands « ensembles » sont immobiles sur le fond. Ailleurs, le pouvoir « réel » est souvent masqué. Nul ne sait qui le détient. Ce sont les « gros » actionnaires, majoritairement des investisseurs étrangers avec des fonds souverains, qui mènent le bal. Souvent absents mais représentés lors des assemblées générales, la personnalité de ces « gros » investisseurs est la plupart du temps inconnue de la masse des « petits » porteurs. Heureusement, pendant ce temps, s’appuyant sur leurs progrès scientifiques et technologiques, ils sont partis à la conquête des marchés nationaux et internationaux. Leurs résultats économiques et financiers sont pourtant en première apparence satisfaisants. Ceci ne montre pas l’efficience relative de l’ensemble, très discutable qui n’excède pas un rendement de 33%. Le personnel est sous stress permanent dans le travail avec une suractivité non contestable, une remise en cause à la « marge », sans parler du « turn-over » important, des mobilités « forcées » et de l’usage « abusif » des ruptures conventionnelles. Tous pourraient mieux faire, mais autrement. Après tout c’est l’Etat qui paie. Or, la loi du silence prédomine. Entre eux, ces multinationales se soutiennent les unes les autres.
Traditionnelle pour ne pas dire archaïque, la « bonne » vieille pyramide hiérarchique est toujours présente dans les faits même si elle n’apparaît plus que virtuellement sur les organigrammes. Avec un peu d’habitude, une lecture attentive suffit à identifier la tromperie, quels que puissent être les efforts d’habillage et de remodelage au cours du temps. Cela correspond à un immobilisme autant institutionnel que conceptuel. Plus visible au grand jour dans le public, elle prolifère aussi dans le privé, sous différentes formes, holding, sous-groupes, filiales ou ensembles associés. Tous ces maquillages privilégient un découpage rigide, mais discret et opaque des responsabilités aux yeux du personnel. De plus à chaque niveau de commandement correspond un degré de considération, d’intéressement à l’information et de consultation. La tentation bureaucratique et le pseudo partage d’un pouvoir sans objet génèrent des règles confuses sans issue. L’adjonction de structures matricielles fonctionnelles superposées à la structure figée n’a contribué qu’à opposer les genres et à entraîner l’ensemble dans la confusion. Le fonctionnement par projet adaptif, évolutif et à durée limitée a pris le dessus sauf dans l’esprit de certains décideurs encore encartés dans l’ancien système en référence au passé.
De plus en plus flou
Progressivement, les organisations hiérarchiques classiques sont de plus en plus complexes tout en se simplifiant ! Les nouvelles technologies de l’information ont permis de nombreuses connexions entre les acteurs de l’ensemble des activités organisées dans l’entreprise. C’est aussi l’émergence concrète et de facto du fonctionnement en réseaux. Les nouveaux systèmes d’organisation sont interdépendants, et leurs limites sont indiscernables. L’habillage juridique de l’organisation, est plus formel que réel. Des pans entiers de certains grands groupes sont transformés en filiales soit indépendantes, soit cédées à leurs sous-traitants. Structurellement et hiérarchiquement, l’actionnariat aidant, le pouvoir réel n’aura pas changé de mains. C’est un des points fondamentaux de la stratégie du pouvoir, utilisée par ces grandes organisations.
Le constat des experts est accablant : la structure figée qui caractérise nos très grands « ensembles » confirme la faiblesse sinon l’absence de pouvoir réel au service des objectifs de l’entreprise. Cette attitude n’est pas prête de disparaître. Elle fait partie de notre culture et est ancrée dans nos habitudes et nos traditions…
Think Tank CE 21