La crise économique et les évènements récents, en particulier en France, ont révélé les faiblesses d’un système européen confus qui n’a pas su faire face à ces défis. L’Union européenne n’est pas aujourd’hui en mesure de répondre à ses propres enjeux. La notion d’objectif n’aurait-elle plus de sens ou n’en a-t-elle jamais eu ?
La situation économique de l’Union européenne et surtout de la zone euro est plus qu’inquiétante. Les effets comparatifs plutôt que de stimuler les gouvernements mis en cause les humilient. On constate une très faible inflation, des débuts de déflation et une croissance en général atone avec des récessions locales. Les quelques indices positifs, perçus pour le début de 2015, sont dus avant tout à la baisse du prix du pétrole, en dessous des 50 $ le baril, à la remontée du dollar US par rapport à l’euro, autour de 1,10 $ pour 1,00 €, et à des taux d’emprunts très bas pour ne pas dire parfois négatifs en ne citant que ces facteurs. L’UE n’y est pour rien. Qui saura en profiter ?
La BCE propose de racheter des actifs souverains
Le 22 janvier dernier, Mario Draghi a annoncé, avec détermination et courage, le rachat par la BCE de titres souverains pour un montant supérieur à 1100 Md€ entre mars 2015 et septembre 2016. Il a été majoritairement apprécié. A peine votée, la décision était déjà mise en cause par l’impénétrable ministre des finances allemand. A raison de 50 à 60 Md€ de rachats par mois, la BCE entre dans la logique de l’assouplissement quantitatif (QE ; quantitative easing). Le taux des prêts à long terme serait de 0,05% contre 0,15% jusqu’à présent. C’est un moyen présumé pour éviter la déflation en tentant de relancer l’inflation. Un enjeu difficile à relever sans prise en mains et réformes structurelles, car le rachat de dettes ne signifie pas pour autant un laisser aller pour les Etats membres. Encore faut-il aussi attendre la reprise du crédit et la volonté d’investir pour les entreprises et les particuliers. Au moment où la Grèce se prononce, c’est une bouffée d’oxygène qu’il appartient d’exploiter avec intelligence, à condition de savoir choisir une stratégie gagnante.
Source : Pedro Armestre AFP
Les Etats-Unis, toujours « maîtres du jeu » ont montré le chemin, la croissance est de retour, avec un emploi qui se reconstruit. Le Japon est toujours en difficulté parce qu’il avait trop tardé à injecter des centaines de milliards de yens. Hors zone euro, le Royaume-Uni fait illusion. Certes, il y a du mieux grâce à des réductions significatives des dépenses publiques, mais aussi après 2 dévaluations de la livre sterling. Néanmoins la dette est encore importante et le déficit élevé. Si le chômage est statistiquement en baisse, les contrats « zéro heure » ne signifient pas pour autant que les Britanniques ont retrouvé du travail. Mais là, c’est encore un autre débat…
L’UE et la zone euro ne sont pas exempts de besoins de réforme
« Relance de l’activité » ou « austérité et rigueur » sont deux points de vue économiques antinomiques. La BCE interfère, jouant un rôle de catalyseur. Un besoin de « croissance » et une obsession « comptable » s’affrontent dans un milieu européen hétérogène où « comparaison n’est pas raison ». Sachant que les dirigeants allemands usent de leur « veto » d’influence, il est temps de parvenir à des accords sur le fond. L’UE et la zone euro ont des intérêts et des contraintes différentes. Le Royaume-Uni en est un bel exemple que d’aucuns ne manquent pas de mettre en avant. Aujourd’hui, la Belgique, la France et l’Italie sont montrées du doigt par la Commission, sans parler de l’Espagne, du Portugal et des autres. Quant à la Grèce, les citoyens se sont prononcés le 25 janvier en refusant l’austérité avec Syriza. Une renégociation intelligente de la dette paraît indispensable.
Source : Le Parisien
A la « troïka », Commission de Bruxelles, FMI et BCE de revoir aussi leur « copie » pour permettre à la Grèce de pouvoir faire ses réformes tout en relançant son activité avant de s’organiser pour avoir les moyens de rembourser dignement sa dette. Une approche systémique et globale, incluant l’ensemble de la dette européenne, traitée au cas par cas, serait de fait le meilleur moyen pour relancer l’activité. L’Allemagne ne peut que se tenir en retrait en acceptant un autre regard. N’oublions pas qu’elle a bénéficié à nouveau en 1990 d’un moratoire conséquent au moment de la chute du mur de Berlin et à l’occasion de la réunification avant la signature du traité de Maastricht.
Optimisation, évasion, fraude fiscale et dumping fiscal perturbent l’équilibre financier européen. Y contribuent entre autres, le Luxembourg (LuxLeaks), la City of London et ses annexes, la Suisse, les Iles anglo-normandes, l’Irlande, la Belgique, les Iles Caïman, Monaco et… la France (peut-être). Les conséquences de cette forme de dumping fiscal, toléré voire même encouragé, sont importantes pour la concurrence. Ce déséquilibre, entretenu par le lobbying des grandes banques et des grands groupes multinationaux, est révélateur d’une Union européenne sans gouvernance ! C’est pourquoi, revoir la fiscalisation et assurer le contrôle au niveau européen est indispensable. Le FATCA (loi américaine) cela existe, mais il n’y a rien d’équivalent en Europe ! Au travail, « Monsieur Juncker » !
Un dumping social d’exception, lié aux travailleurs détachés, est aussi entretenu par la Commission et soutenu par le gouvernement allemand. Un besoin d’inventaire et une remise à plat complète s’imposent. Des concurrences déloyales se développent. La France doit exiger la réécriture de la directive européenne sur les travailleurs détachés. La concurrence sociale en Europe n’est pas réglée. Le problème reste entier. C’est le préalable à la construction d’une nouvelle Europe. Mais on en est loin. Si l’Allemagne apparaît aux yeux de certains comme le « modèle référent », faut-il encore savoir de quoi on parle. Le dumping social est là un sérieux avantage, bien exploité, d’autant que le Smic n’est encore qu’une notion élémentaire qui va avoir bien du mal à se développer outre-Rhin…
Il faut repenser l’Europe autrement…
L’UE devrait être une zone de libre échange, protégée du dumping économique, fiscal et social, avec le soutien d’une BCE indépendante. Sous son contrôle, Il faudrait mettre en place une Union bancaire européenne en encourageant l’investissement productif comme la recherche, le développement et l’innovation dans les domaines à forte valeur ajoutée. La Commission se devrait de favoriser des champs d’activités, à caractère transversal et multipolaire, en se limitant sur le plan opérationnel à la mise en place et au suivi de très grands projets entre quelques partenaires concernés ou à l’échelle de l’ensemble de l’Union. Pour les produits importés hors UE, un protectionnisme intelligent, partiel, choisi et temporaire, avec un principe de réciprocité pourrait voir le jour…
Source : Wikipédia
L’espace Schengen concerne 22 Etats sur 28 de l’UE et 4 hors de l’UE, l’Islande, le Lichtenstein, la Norvège et la Suisse. L’Irlande et le Royaume-Uni sont en dehors pour ne citer qu’eux. Cet espace englobe plus de 400 millions d’habitants qui bénéficient de liberté de circulation, de sécurité et de justice. L’espace Schengen a des frontières physiques territoriales, très perméables. On a tendance à l’oublier. L’immigration dans l’UE est en forte croissance. Le nombre de réfugiés, ressortissants du Moyen-Orient et d’Afrique, est très élevé. La plupart seront à terme des clandestins. Plus de 150.000 sont arrivés par l’Italie. La Grèce et l’Espagne sont les autres points d’entrée connus.
Plus de 3000 disparus en méditerranée en 2015 sans parler des 750 abandonnés le 31 décembre et de plus de 450 le 1er janvier au large de l’Italie ! C’est alors que les limites du système s’avèrent évidentes. Si l’agence Frontex est en charge de la gestion opérationnelle aux frontières, elle travaille en coopération avec tous les organismes de sécurité, de police, de douanes et de santé des Etats. Le budget de Frontex était de 85 millions d’euros en 2013 ! Il est insuffisant et il est encore en baisse. Mais surtout, l’UE n’a aucune politique commune en matière d’immigration. Les économies et les démographies des pays sont souvent antinomiques…
Affirmer volonté et détermination pour une véritable gouvernance
Dans un système confus, il faut affirmer volonté et détermination dans la continuité de sa position. Le compromis permanent actuel, « synonyme d’immobilisme », n’est pas la solution. Les récents attentats en France, la multiplication des menaces, en Belgique et en Allemagne, les revendications de massacres en Afrique au Moyen et au Proche-Orient soulignent les faiblesses dans des secteurs, comme la défense, (avec l’OTAN qui vient d’être touchée par un terrible accident meurtrier au sud de Madrid), la sécurité et le renseignement, la lutte anti-terroriste, etc.
Pourtant la France ne peut pas vivre sans l’Europe, ni l’Europe sans la France. L’Allemagne se trouve dans la même situation. Mais l’Europe n’est pas destinée à se développer sous l’hégémonie d’un État ou d’un duo dont les caractéristiques au-delà de l’économique sont antinomiques. La notion de gouvernance européenne passe par un autre concept que celui de la simple « loi du plus fort » ou du « chacun pour soi ». 28 Etats inhomogènes dans la même « division », avec les même droits, les mêmes contraintes et une monnaie unique optionnelle sans gouvernance, c’est un non sens. Il faut repenser l’Europe autrement. Le problème est posé depuis longtemps, mais reste sans réponse. Il importe de se réveiller Le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour les deux prochaines années.
L’absence de réponse concrète, obstacle au progrès favorise l’euroscepticisme qui se développe à grands pas dans les opinions publiques. L’Europe des handicaps se doit d’être repensée. C’est ce qu’affirme Joseph E. Stiglitz dans un de ses articles parus dans les Echos du 22 janvier dernier : « l’Europe doit absolument reprendre ses esprits. »
J.M.