L’absence d’une politique volontariste en matière d’emploi est-elle liée à la faiblesse ou à l’absence de dialogue avec les partenaires sociaux ? Probablement aux deux. Syndicats et patronat présentent un triste spectacle. Dans un contexte de crise, les grands syndicats sont en situation de repli, avec un faible nombre de syndiqués de l’ordre de 8% du nombre total de salariés dans le public et 5% dans le privé.
Attention à l’interprétation de ce chiffre, il s’agit en fait de militants. Le taux de participation des salariés aux élections syndicales oscille entre 30 à 60%, suivant les branches. Par comparaison, pour remettre les appréciations au juste niveau, il faut rappeler qu’en France, le nombre total d’adhérents (militants), tous partis politiques confondus, tourne autour de 1,5% du corps électoral pour un taux de participation pouvant allant de 45 à plus de 80% ! Personne ne remet en cause la représentativité de ces partis. Alors, fermons la parenthèse…
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Le plus gênant, ce sont les positions chancelantes ou les points de vue trop rigides à défendre qu’affichent les syndicats, sur fond d’unité souvent douteuse. Les préavis de grève intempestifs et les grèves sans objet soulignent l’absence de dialogue social anticipatif et la mauvaise qualité de celui-ci quand il a lieu. Par ailleurs, la représentation active au travail dans les petites et moyennes entreprises est réduite à sa plus simple expression quand elle existe.
L’attitude de la majorité de leurs salariés est plutôt réservée, à l’égard de la représentation syndicale. Elle est surtout conditionnée par la crainte de la perte d’emploi. Être syndiqué est un handicap social pour le salarié français. À la fois on peut comprendre le patron d’une très petite entreprise qui ne souhaite pas d’ingérence extérieure. En revanche, le salarié a néanmoins besoin d’être représenté. Le délégué du personnel est là pour cela. Il n’est pas forcément syndiqué. Ce sont deux fonctions et deux rôles différents, souvent mal comprises. Les représentants syndicaux eux-mêmes, les plus engagés et les mieux protégés, hésitent à communiquer et à trop s’afficher, sauf en cas de conflit sérieux.
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Autre partenaire social, le patronat n’est pas beaucoup plus brillant. L’image du Medef est contestée. Le Medef est perçu comme un syndicat patronal, hautain et dogmatique, proche du pouvoir libéral, bien qu’il s’en défende. Personne n’est dupe. Avec à sa tête Laurence Parizot, il tient le haut du pavé, s’appuyant sur les entreprises du Cac 40 qui viennent de réaliser fin 2011 encore d’importants bénéfices. Plus de 37 Md€ de dividendes seront distribués à leurs actionnaires. Si les 200 plus grandes entreprises françaises de plus de 2000 salariés peuvent se retrouver en s’identifiant au Medef, que dire des 33.000 entreprises de plus de 50 salariés, des 2,5 millions de TPE, PE et ME ainsi que du million d’associations avec des salariés qui constituent une grande partie du tissu économique français ? Le Medef revendique 750.000 entreprises adhérentes. Si un dialogue minimum existe entre le Medef et les syndicats, il est artificiellement entretenu pour occuper le terrain et n’a pas nécessairement pour objet d’aboutir. Quant à la CGPME, Confédération générale des petites et moyennes entreprises, alors qu’elle représente l’essentiel du bras créateur d’emplois en France avec 1.500.000 adhérents, elle se trouve sur une sorte de strapontin à effet médiatique limité. Son Président Jean-François Roubaud a du mal à se faire entendre.
Un rapport d’enquête parlementaire affirme qu’un montant de 4 Md€ est dépensé chaque année au bénéfice des syndicats et du patronat pour contribuer à leur fonctionnement. Ce montant, payé par l’État, les services publics et principalement par les grandes entreprises, est d’autant plus contestable qu’il inclut le coût salarial des personnels mis à disposition. Ceci représente plus de 3,6 Md€, ce qui est légal. En revanche, le nombre de personnes, représentants syndicaux, détachés pour exercer leur mandat est certainement trop important et prohibitif. L’usage de l’argent, le gaspillage et l’abus touchent la plupart des syndicats de salariés et du patronat.
Ce qui est le plus inquiétant dans le milieu syndical français, c’est surtout sa faiblesse et ses dérives. Le système structurel se présente sous forme de confédération. Ceci ne permet pas au syndicat fédéral de combattre l’opacité de ses actions locales et de ses comptes. Les entreprises publiques et privées abondent dans le sens d’un maintien de la paix sociale en encourageant ou en fermant les yeux sur certaines pratiques courantes au travers d’actions sociales particulières et de comités d’entreprises surpuissants. L’opacité sur les comptes parasites locaux est une règle du jeu admise. Les syndicats patronaux n’y échappent pas non plus.
Jusqu’à présent l’État a eu les mains libres, d’autant plus qu’il a su profiter de cette léthargie. À grand renfort d’annonces ou de rencontres spectaculaires le pouvoir a détourné l’attention, reprenant à son compte le plus souvent des mesures déjà en place ou abandonnées. L’opinion se laisse abuser quand elle n’est pas concernée, le Patronat est satisfait et les syndicats frustrés, tout en étant divisés. Fort de ces avantages masqués qu’il n’ignore pas, le gouvernement peut à partir de là user et abuser de ces divergences, en influençant les différents partenaires sociaux. Ces interventions permanentes ont lieu dans tous les sens et sont plus ou moins contradictoires. Elles alimentent débats et manifestations. Qu’en sera-t-il désormais ? Comment le nouveau gouvernement réagira-t-il ?
Le patronat, le Medef en particulier, relatif complice de l’État, se complait dans un certain immobilisme diplomatique, apprécié des grands patrons. Pour leur part, les petits entrepreneurs perturbés sont déstabilisés parce qu’ils voient en permanence changer et remettre en cause les règles du jeu sociales et de la fiscalité. Quant aux syndicats, ils ont fini par toucher le fond du baquet au moment de la réforme des retraites. Ils ont eu le sentiment de participer à une parodie de dialogue pour aboutir à une solution bâclée, provisoire avec un goût d’inachevé.
Le système français de représentation des partenaires sociaux en est encore à l’âge de la pierre taillée. Incapables de se fixer des objectifs concrets en matière d’activité et d’emploi, les partenaires sociaux se regardent dans une totale passivité. Les salariés des TPE et PE ne sont pas représentés. L’État et la législation en vigueur sont en grande partie responsable de cette carence. La mentalité du corps social est un obstacle au changement. Le casse-tête pour renouer un véritable dialogue sur le fond entre partenaires sociaux est plutôt de taille et les conditions ne sont pas favorables en temps de crise. Et pourtant…
J.M.