Par nature et par besoin, l’entreprise comme tout système organisé est un ensemble évolutif qui verra au cours de son existence, en fonction des circonstances, de multiples changements de responsabilité à tous les niveaux. Ce manège est continu. Il fait partie de la vie de l’entreprise. Les occasions sont multiples de la simple promotion aux restructurations profondes, aux aménagements locaux, en passant par des réorientations d’activités provoquées par des départs ou des arrivées.
Le conseil d’administration ou la direction, le président, le directeur ou le gérant, eux seuls détiennent l’entière responsabilité du choix des personnes, au plus haut niveau. Par délégation, pour des échelons hiérarchiques de moindre importance, d’autres responsables sont habilités à faire ce choix. C’est ici l’objet de cet article. Nous reviendrons plus tard sur la façon dont est choisie l’élite de l’élite.
Les us et coutumes
Dans les très petites et petites entreprises à effectif modeste, le flair et l’expérience restent les principaux éléments du choix interne ou externe. Le risque est contenu, même s’il existe. Le problème se pose en termes différents dans les entreprises moyennes, de taille intermédiaire ou dans les grandes entreprises où leur réservoir en ressources humaines est plus important. La plupart du temps, surtout pour des postes intermédiaires, ces entreprises satisfont leur besoin par de la promotion interne. Le choix sera basé sur l’expérience professionnelle et les résultats acquis, sans omettre d’apprécier les potentialités du candidat. Mais encore faut-il se méfier de la facilité et ne pas considérer la promotion seulement comme seule récompense.
Pour des recherches ciblées, elles n’hésitent pas à s’adresser à des cabinets-conseil ou à des spécialistes en recrutement. Les grands groupes, habitués à ce genre d’approche, font appel à des chasseurs de tête pour des postes de haut niveau. Une kyrielle de tests psychologiques et d’entretiens complète la panoplie d’éléments constitutifs du dossier. Le succès n’est pas pour autant garanti.
Dans la pratique, c’est souvent le poste que l’on adapte au candidat et non le candidat que l’on recherche pour le poste à pourvoir. Ce dernier peut faire l’objet d’un choix par simple piston ou par habitude culturelle. Mais il arrive aussi que l’on crée des postes inutiles pour satisfaire une ambition au travers d’une promotion-récompense ou pour calmer un jeu interne. Dans les grandes entreprises, on ne compte plus le nombre de postes de mises au placard, assimilés à des arabesques latérales.
L’approche « bottom-up »
Une toute première étape consiste à connaître le milieu. Quelle que soit l’approche, le choix des femmes et des hommes appelés à occuper de nouvelles fonctions requiert de ne pas tirer des conclusions hâtives. Avant même d’effectuer un quelconque choix sur les personnes faut-il savoir pourquoi on le fait ? A-t-on exprimé sans équivoque l’expression du besoin ? L’expression sur papier du poste à pourvoir est très insuffisante. Il faut replacer le poste dans un contexte, au milieu d’un système, avec un environnement particulier évolutif. Comme cette étape essentielle est souvent mal préparée, le scénario est biaisé.
On peut considérer que trois facteurs extrinsèques sont essentiels : le besoin, l’opportunité du choix (interne ou externe), l’appréciation du candidat et de son expérience. Le besoin est souvent flou surtout s’il s’agit de création d’activité. L’opportunité du choix dépend du contexte local et de son évolution. Doit-on forcer la mobilité ? Est-ce une étape transitoire ? Correspond-elle au but recherché ? L’appréciation du profil du candidat est déterminante. Elle est toujours empreinte de subjectivité. Il est indispensable de déterminer le profil du candidat dans la fonction, dans le contexte local et dans le but recherché. Ne pas oublier d’appréhender l’image projetée de ce profil auprès du personnel. Il alimentera le « bouche à oreille ».
Les atouts du candidat qui constituent ses facteurs intrinsèques interviennent une fois bien déterminé ce profil dans son contexte, relié au besoin clairement défini. Retenons trois dominantes : la valeur propre, les aptitudes et les conditions initiales du candidat. La valeur propre est l’image quantifiable de son expérience et de son acquis professionnel à ce jour, incluant réussites, échecs et ancienneté. Sa compétence doit être appréciée sous toutes ses formes, dans tous les domaines. Les aptitudes sont le reflet de la perception de l’individu dans son environnement proche et actuel. Sa personnalité, son comportement psychologique, ses réactions devant des problèmes comme sa capacité à réagir sont fondamentales. Ses ressources intellectuelles, son sens de l’analyse, son imagination, sa force de proposition et son esprit de synthèse complètent la panoplie autour d’une communication, d’un sens des relations humaines et de la responsabilité. Les conditions initiales résument le pédigrée académique du candidat, études, diplômes, titres, parfois agrémenté d’éventuelles récompenses, prix et médailles.
Le bilan détaillé des facteurs extrinsèques et intrinsèques va permettre à partir de la définition du besoin général et du poste de faire un choix mieux adapté et consolidé. Toutes les candidatures pourront être comparées et appréciées sous de multiples facettes. Le choix sera plus ouvert et plus convaincant.
Le meilleur choix : c’est avant tout de savoir pourquoi on l’a fait
Les différentes cultures d’entreprise et les comportements d’autorité qu’elles génèrent, influent toujours directement sur la façon dont s’opèrent les choix des hommes. La tentation est grande de se soumettre à l’arbitraire pour plaire au système. Cette auto génération de faux choix est l’une des faiblesses essentielles contre lesquelles il est difficile de lutter.
Le « bottom-up » a le mérite d’être une approche simple et transparente qui traduit avec pertinence l’importance accordée par celui qui l’utilise, aux différents éléments d’évaluation pris en compte pour faciliter la décision.
Au milieu des contraintes du marché libre européen et de la concurrence mondiale, le renouvellement massif des cadres et des dirigeants est un enjeu de tout premier ordre d’une autre dimension qu’il appartiendra de maîtriser avec une tout autre mentalité.
Dans le choix des hommes, l’important n’est pas de prétendre avoir fait le meilleur choix, mais de savoir pourquoi on l’a fait.
J.M.