Le système français de représentation des partenaires sociaux, salariaux et patronaux, a peu évolué sur le fond depuis ses origines. La mentalité du corps social est un obstacle au changement. L’Etat se perd dans des conjectures inutiles et sans issue. Le casse-tête pour renouer un véritable dialogue entre partenaires sociaux est plutôt de taille et les conditions ne sont pas favorables en temps de crise. Et pourtant, il faudrait se ressaisir. C’est de l’avenir de la France dont il s’agit…
Au service de la représentativité de qui ? Et pour quoi faire ?
Dans un contexte de crise, les grands syndicats sont très souvent en situation de repli dans les négociations, mais toujours présents dans l’action sur le terrain malgré un faible nombre de syndiqués de l’ordre de 8% du nombre total de salariés dans le public et moins de 5% dans le privé. Attention à l’interprétation de ce chiffre, il s’agit en fait de militants. La mobilisation reste encore importante localement.
Représentativité nationale des syndicats salariaux - source : CE21/Dares
Le patronat de son coté, au sens large, n’est pas beaucoup plus brillant. L’image du Medef est contestée. Celui-ci est perçu comme un syndicat patronal, plutôt dogmatique. Relatifs complices de l’État par intérêt et par habitude, les patrons se complaisent dans un certain immobilisme diplomatique. Il est assisté par une représentation des petites et moyennes entreprises qui se trouve la plupart du temps mise à l’écart médiatiquement.
Toujours à l’âge de la pierre « taillée »
Mentalement et dans son ensemble, le système français de représentation sociale est encore resté à l’âge de la pierre « taillée ». Incapables de se fixer des objectifs concrets en matière d’activité et d’emploi, la grande majorité des partenaires sociaux se regardent dans une totale passivité. Ils n’osent pas entreprendre. Comment se situent-ils par rapport à l’image qu’ils veulent colporter ?
Pour assurer leurs valeurs, certains font preuve de conservatisme. Ils le répètent dans leur discours et tentent de le montrer en chaque occasion. D’autres au contraire se voudraient plus progressistes dans le sens actif du terme. Ils osent même parler de modernisme au nom d’un « pseudo-libéralisme » de façade. Cette image est toujours plus appréciée par le « Pouvoir » comme une sorte de légitimisme. Ils arrivent par là à profiter de quelques privilèges. Accentuant les clivages, ces « jeux de rôle » ne favorisent pas le dialogue sur le fond et la réelle négociation sociale entre les partenaires sociaux salariaux.
Salariés syndiqués par secteur d’activité - source : Dares/DGAFP
Cette inertie permanente est confirmée par la domination des syndicats les plus « lourds » dans les secteurs en question. Dans les faits, ceux-ci tiennent le devant de l’actualité par des manifestations, des grèves et des opérations coup de poing. Souvent, les salariés eux-mêmes, privés ou publics, majoritairement non syndiqués, se contentent d’observer le conflit même quand ils sont concernés !
Quant aux 6 millions de chômeurs en recherche d’emploi, ils n’existent pas tant au plan de la représentativité que dans l’action ! Parler de dialogue social à l’échelle nationale, est aujourd’hui un non sens !
Assez d’idéologie politique et de dogmatisme partisan
Le plus gênant, ce sont les positions chancelantes ou les points de vue trop rigides à défendre qu’affichent les syndicats des salariés, sur fond d’unité souvent douteuse. Les préavis de grève intempestifs et les grèves sans objet soulignent l’absence de dialogue social anticipatif et la mauvaise qualité de celui-ci quand il a lieu. Par ailleurs, la représentation active au travail dans les petites et moyennes entreprises est réduite à sa plus simple expression quand elle existe.
Usagers en attente d’informations à la SNCF - source : Le Monde
Face à ce climat de crise sociale quasi-permanente, tous les gouvernements se cherchent, majorité et opposition confondues. Cela n’est pas nouveau et perdurera encore longtemps. Plus généralement nos politiques, droite et gauche, sont incapables de se déterminer par anticipation. En période de conflit majeur, ils sont pris dans un doute absolu et oscillent entre différentes attitudes contradictoires, liées à la fois à leurs propres contraintes économiques, sociales et politiques. Ce qui est le plus inquiétant dans le milieu syndical français, c’est surtout sa faiblesse et ses dérives excessives.
L’idéologie politique et le dogmatisme partisan sont à proscrire en matière économique et sociale, et encore plus dans le domaine de l’emploi. C’est l’ensemble du système et les conditions de représentativité qui sont à revoir.
Jacques Martineau