Que réclament les « Gilets jaunes », au nom de beaucoup de « Français », eux-mêmes stimulés par leurs revendications et les manifestations spontanées pour porter ce message ? Pour une grande majorité, ils n’y arrivent plus, quelles qu’en soient les raisons évoquées (impôts, taxes, logement, électricité, gaz, chauffage, charges diverses, carburant, transports, assurances, coût de la vie en général, etc.).
Au-delà d’un besoin de respect des personnes, trop souvent oubliées ou méprisées, c’est en priorité l’amélioration significative et immédiate de leurs conditions économiques pour assurer leur « fin de mois » qui les préoccupe. La justice sociale et la justice fiscale font partie de leurs principales revendications.
Premières réponses alambiquées...
La première réponse du « Pouvoir exécutif » sur l’annulation des hausses de taxes futures ne correspond pas à un gain de « pouvoir d’achat ». Pour une grande partie d’entre eux, elle n’est pas une contribution suffisante pour l’amélioration du « pouvoir d’achat » et du « reste à vivre ». Les nouvelles annonces faites sont jugées insuffisantes. Une première confusion avec la hausse annoncée du SMIC qui en définitive ne bouge pas. Le « bonus » de « 100€ » est lié à la « prime d’activité », anticipée sur les 3 années à venir !
Suivant leur condition sociale, seulement 27% des smicards pourraient en profiter ! Le gouvernement ne pourra pas échapper à cette controverse qui va surgir. Quant aux personnes qui travaillent à mi-temps, rien n’est prévu. Le seuil d’exonération de la CSG est relevé à 2000€. Encore l’apparition de nouvelles « usine à gaz » sans issue… Seule mesure majoritairement appréciée, la désocialisation et défiscalisation des heures supplémentaires.
Manifestations des « Gilets jaunes » devant le Sénat – source : Ministère de l’Intérieur
C’est donc d’une réelle augmentation de leur « pouvoir d’achat » avec une réduction des taxes déjà existantes dont il est question. Le mouvement des « Gilets jaunes » a été en mesure de faire bouger le « Pouvoir exécutif ». Mais il est inimaginable de penser que la poursuite de manifestations désorganisées, accompagnées de « violences » et de « casse », soit la solution. Les revendications sont nombreuses, dispersées, multiples et souvent non compatibles.
Néanmoins le problème de fond d’insatisfaction demeure quant à l’amélioration des ressources et d’espoir pour l’avenir. Les « Gilets jaunes » ne peuvent pas non plus restés les « bras croisés » à attendre . Comment retrouver les « bons » interlocuteurs à tous les niveaux intermédiaires pour faire le tri et éviter que la suite ait lieu dans la « rue » ? Une « urgence attentat » s’ajoute à cette crise sociale. C’est une réalité à prendre en compte impérativement suite à l’attaque terroriste meurtrière à Strasbourg.
Quelques rappels essentiels pour mieux comprendre la situation
La population française s’élève à 67,2 millions dont 2,7 vivent dans les DTOM. Au sens du BIT, la population active (de 15 à 64 ans inclus) est de 29,8 millions (en métropole) dont 26,3 millions d’actifs ayant un emploi. Fin septembre 2018, à noter que 6,2 millions sont inscrites à Pôle emploi. Parmi elles, 3,5 millions personnes sont sans emploi (catégorie A) et 2,2 millions exercent une activité réduite (catégories B, C). 0,62 million de personnes inscrites à Pôle emploi ne sont pas tenues de rechercher un emploi (D,E).
Taux de chômage chez nos principaux partenaires économiques – source : OCDE
Les discours, les intentions et les grands « spectacles » ne suffisent plus. La France ne peut pas continuer à assister dans la durée l’inactivité ! En l’assumant, elle contribue à humilier et mettre à bas de la société, ses chômeurs, ses quinquas en préretraite forcée, ses jeunes, qualifiés ou non, en recherche d’emploi.
Qui sont les Français concernés par la notion de « pouvoir d’achat » ?
Il importe de le rappeler, mais les « nantis » (0,1% des actifs) et les « privilégiés » (0,9%), éligibles à ISF et désormais à l’IFI, sont considérés comme « hors norme ». Quant aux « classes supérieure et moyenne supérieure » (7%), ces contribuables ne se posent pas le problème de leur capacité d’acquérir. Ils possèdent pour leur part un « haut niveau de vie ». Les « uns » comme les « autres » ne sont évidemment ni concernés, ni sensibles à cette notion.
Pour la plupart des interlocuteurs, le « pouvoir d’achat » est une expression trompeuse qui entretient la confusion ! Galvaudée par l’ensemble des « acteurs », on finit par ne plus comprendre de quoi il s’agit. Cette expression « fourre-tout » revient en boucle. Encore faudrait-il savoir de quoi on parle ? On peut distinguer 3 catégories de personnes directement impliquées.
La classe « moyenne » pour laquelle, le « pouvoir d’achat » a un sens
Pour la population active appartenant à la « classe moyenne », c’est le salaire ou le revenu du travail, pour les employés et cadres du privé ou du public, artisans, commerçants et entrepreneurs qui permet d’assurer la continuité dans la vie quotidienne. Les contraintes et les charges, souvent incompressibles voire croissantes, sont à prendre en compte en permanence. Leur participation à l’Impôt sur le Revenu (IR) est majoritaire.
Répartition de l’emploi privé (80% contre 20% pour l’emploi public) en France – source : Medef
Malgré tout, ce sont des « consommateurs ». Grâce à un « pouvoir d’achat », ils parviennent à conserver une potentialité suffisante, pour acquérir des biens ou s’offrir quelques loisirs. Cela concerne des personnes ou des foyers avec des revenus compris entre 2500€ et 4000€. Cela représente 17% de la population active.
Le « reste à vivre » : une réalité largement partagée et trop vite oubliée
Il s’agit là d’une situation répétitive, très mal vécue. Les personnes concernées ne pensent plus en terme de « pouvoir d’achat ». Chaque mois, c’est la même angoisse. Comment s’en sortir ? Actifs pour une majeure partie d’entre eux, ils ont un sentiment permanent de frustration.
Le « reste à vivre » concerne 45% de la population active, celle des « Gilets jaunes »
Impôts, taxes, charges en tous genres, qualifiés d’incontournables sont prioritaires dans le budget mensuel. Répétitives et sans surprises, ces contraintes génèrent une nouvelle notion, celle du « reste à vivre ». Les ressources sont insuffisantes pour satisfaire les besoins fondamentaux. L’accessibilité au crédit n’est pas toujours évidente. Suivant leur situation familiale, ils paient un impôt sur le revenu (IR), modéré voire faible. Dans la partie basse de la fourchette, ils en sont dispensés.
Ensemble de produits de première nécessité, en hausse malgré tout ! – source : Challenge
Ce « reste à vivre » touche beaucoup de retraités, d’employés, salariés du privé ou du public, des « petits » artisans, chômeurs et sans emploi, aidés ou non, etc. Cette couche de la société a trop longtemps été ignorée par les « politiques ». Chaque mois, c’est une lutte infernale pour tenter d’atteindre sans trop de troubles la « fin du mois ». Les salaires ou revenus individuels ou par foyer sont compris entre 1500 et 2500€. Environ 45% de la population active se trouve dans cette situation de « reste à vivre ».
Le « seuil de pauvreté » concerne un tiers de la population active ou assistée
A ce niveau de ressources, les citoyens concernés se retrouvent dans la situation d’assistés en quête d’aides et de prestations sociales. De nombreux « Gilets jaunes » sont en « état de survie », souvent considérées comme étant au « seuil de pauvreté ». Il y a dans cette catégorie des personnes salariées, en sous-emploi, partiel ou d’intérim occasionnel. S’ajoutent à elles, à la fois des chômeurs, anciens bas salaires de longue durée, comme de nombreux « petits » retraités, bénéficiant de compléments pour atteindre le minimum vieillesse (> 65 ans). Il n’est plus question de population active, au sens productif du terme. Beaucoup sont des assistés..
Dans l’ensemble, leur niveau de « survie », individuel ou en couple, se situe entre 850 et 1300€. Le montant des contributions sociales est calculé et réévalué en fonction de celui du salaire médian. Parmi les 30% de la population qui sont dans ce cas, 14% sont considérés comme des personnes « pauvres ». 4% d’entre elles vivent en état de « grande pauvreté ».
Une seule clé pour sortir de la crise : priorité à l’emploi !
Ces précisions étaient nécessaires pour mieux comprendre et cerner les demandes des « Gilets jaunes ». Aujourd’hui, face aux priorités, le problème du chômage reste entier et déterminant. Il n’a même pas été abordé par l’« Exécutif ». Il fait partie des grands "absents du débat !
A ne rien faire concrètement d’efficace, la France a fini par créer progressivement, à une échelle différente, une sorte de lutte des « classes », transformée en lutte des « castes ». Les citoyens n’ont aucune raison de l’accepter sans pouvoir réagir. Mais rien ne se fera, sans le souci permanent d’un retour à « l’activité pour tous » !
Jacques Martineau