Le « tout » électrique comme le moyen de « mobilité » de l’avenir suscite en coulisses de nombreuses controverses en particulier dans le monde scientifique. C’est pourquoi, Club Espace 21 a souhaité faire le point sur la question. Cet aperçu, tient lieu d’une première et rapide synthèse sur les obstacles incontournables pressentis. Ont contribué à cette réflexion par leurs commentaires, Jean Bouleau, Christian Hansard, Maurice Gamond, Jacques Lefebvre, André Leplus-Habenec, Hélène Martineau, Pascal Meret, Michel Perreau et Michel Richard.
Depuis des années, l’« oiseau » électrique a fait son « nid ». Associée aux recommandations sur le climat du GIEC, la voiture électrique occupe désormais la place d’exception attendue par les constructeurs. Dans leur grande majorité, les écologistes sont parvenus à convaincre les « Politiques » que le sujet n’était pas tabou et qu’il représentait une perspective concrète pour le futur ! L’inflexion des ventes de voitures diesel au profit des voitures à essence est déjà un signe.
Constructeurs, experts de l’automobile, journalistes et commentateurs ont emboité le pas, favorablement ou contre leur gré. Ils affirment que des solutions existent. Concurrence oblige, les premières voitures sur le marché laissant présager d’importants progrès à terme. Profane ou connaisseur, interrogatif ou pas, nos concitoyens vont-ils se laisser convaincre par un « non-dit » sans prendre réellement conscience des réalités « cachées » ?
Jacques Martineau
Que penser du « tout » électrique ?
Carlos Tavares s’exprime librement !
C’est Carlos Tavares, patron de PSA, qui a appréhendé les risques et les écueils d’un passage vers le « tout » électrique. On rappelle, en février 2018, ces propos :
« Le monde est fou (...) Le fait que les autorités nous ordonnent d’aller dans une direction technologique, celle du véhicule électrique, est un gros tournant, avec le recyclage des batteries, l’utilisation des matières rares de la planète, sur les émissions électromagnétiques de la batterie en situation de recharge, (…) »
Pour Carlos Tavares, le « tout » électrique n’est pas sans risque - montage : clubespace21.fr
Avant le salon du mondial de l’automobile 2018, il insiste à nouveau début septembre :
« Le risque est que les investissements pour l’électrique deviennent caduques alors qu’on y aura consenti beaucoup d’argent et d’énergie. Ne pas se tromper dans ce changement de cap, c’est énorme. »
Par ailleurs, Carlos Tavares le confirme, le développement de nouvelles technologies offrira d’autres alternatives dans les prochaines décennies, comme les motorisations à hydrogène et la voiture électrique ne sera qu’une parenthèse. Contraint par la concurrence, le groupe PSA s’est engagé à fond pour la mise sur le marché de la voiture électrique.
La « prime de reconversion » de véhicules anciens diesel (2500€) contre des véhicules neufs ou d’occasions à essence n’est qu’un palliatif. Le « bonus écologique » pour l’achat d’un véhicule électrique (6000€) ne suffira pas à mobiliser les particuliers pour franchir le pas. Pour 1% du parc automobile français, le coût du « tout » électrique pour l’Etat, donc pour le contribuable, serait déjà de 1,8 milliard d’euros. Les constructeurs envisagent de mettre la « main à la poche » ? Mais qui paiera ? Pour quel résultat écologique mesurable ?
Deux obstacles majeurs au « tout » électrique
Pour compléter ces propos, nous avons souhaité rappeler à l’attention des consommateurs deux points essentiels identifiés qui constituent déjà à ce jour des obstacles majeurs au développement de la voiture électrique : d’une part l’approvisionnement en énergie et d’autre part les conséquences pour la planète et l’environnement.
L’approvisionnement en énergie
Si on s’en tient aux décisions prises par le gouvernement, en 2040, les véhicules roulant à l’essence et au diesel ne seront plus commercialisables. La mobilité des particuliers pourra-t-elle être assurée par le « tout électrique » ? Ci-dessous, une estimation du parc automobile français :
Véhicules particuliers, utilitaires, légers, de transports, de travaux et agricoles – source : Wikipédia
A-t-on seulement une idée de l’ordre de grandeur de la consommation énergétique que représente le passage au « tout » électrique uniquement pour nos véhicules particuliers en France métropolitaine ? Quel sera alors le besoin en énergie et en puissance pour assurer cette migration technologique ?
Les estimations vont bon train. De nombreux rapports scientifiques de chercheurs et d’experts ont chiffré le besoin. Ces données ont été reprises dans des revues automobiles et sur des sites spécialisés. Un simple regard peut permettre d’en apprécier l’importance.
Quelle consommation en énergie ? Prenons l’hypothèse, en 2040, d’un parc automobile de plus de 40 millions de véhicules de particuliers électriques ! D’après les estimations, chaque véhicule consommerait en moyenne 1800 kWh/an. Si la moitié d’entre eux était en service, cela représenterait 36 milliards de kWh/an environ 10% de la consommation électrique française actuelle.
Quelle puissance nécessaire ? La recharge simultanée, mais peu probable, de 50% des véhicules, requerrait une puissance « appelée » de plus de 22 Gigawatts, soit 35% de la puissance aujourd’hui disponible.
Combien de bornes de rechargement ? Pour satisfaire la demande des particuliers, on en prévoit d’en installer 7 millions d’unités pour un prix supérieur à 70 milliards d’euros !
Le réseau électrique français pourra-t-il répondre à la demande ? La réponse est non. Notre réseau n’est pas aujourd’hui en mesure d’assurer ce service. Devant l’importance de la demande énergétique, il est clair que les palliatifs d’énergies nouvelles renouvelables, considérés comme plus écologiques, tels qu’éoliennes, panneaux solaires, biocarburants, etc., ne peuvent pas concourir à relever ce défi (16% de la production actuelle, 32% prévue en 2030).
Malgré ses compléments d’énergies renouvelables (33% aujourd’hui), l’Allemagne a préféré une énergie « carbonée », contraire aux recommandations du GIEC. Le pays est le plus gros émetteur de CO2 de l’Union européenne (23%). Pour info, le Royaume-Uni, l’Italie et la France, chacun se situe autour des 10% pour leurs émissions.
Pour l’Allemagne, le problème de la fourniture d’énergie pour son propre parc électrique n’est pas résolu. Cela ne l’empêchera pas d’exporter massivement ses voitures « électriques » principalement en Europe !
Dans tous les cas, il faudra anticiper pour produire suffisamment d’énergie. Si les énergies renouvelables ne sont pas au rendez-vous en 2040, contrainte par la demande, la France sera obligée d’accroitre fortement sa capacité de production nucléaire. L’enjeu se situe à hauteur d’une augmentation de l’ordre de 30%.
Pour information, il est important de rappeler que l’ensemble du parc routier, véhicules utilitaires, bus, autocars et autres, assurant le transport industriel, les travaux et les engins agricoles, n’est pas pris en compte dans cette estimation de besoin en énergie et en puissance !
Les conséquences pour la planète et l’environnement
Il n’est pas possible que les scientifiques et les écologistes ignorent ou fassent mine d’ignorer, avec cynisme, le désastre que représente le développement du « tout » électrique pour la planète et l’environnement. La fabrication des batteries est fortement émettrice de CO2, amortissable en plus de 10 ans pour un usage régulier du véhicule comme le rappelle François Lhomme, directeur de l’Observatoire du Nucléaire.
Après la Bolivie, le Portugal, nouvel eldorado du Lithium en Europe – source : metamag.org
L’exploitation du Lithium comme celle de « terres rares » n’est pas sans conséquences humaines et écologiques dans le monde, sur tous les continents. Pour exemple, citons aux antipodes l’un de l’autre, la Bolivie en Amérique latine et le Portugal en Europe. L’approvisionnement en eau est essentiel. Il entrainera à grande échelle l’assèchement de terres cultivables. Le traitement des déchets à terme n’est pas résolu. Le problème reste entier.
La fourniture d’électricité nécessitera une forte augmentation de la production qui sera elle-même loin d’être écologique.
Beaucoup prétendent que la voiture électrique n’émet pas de particules fines. Ce qui est faux : « ce sont les pneus, les freins et l’usure des routes goudronnées qui émettent le plus de microparticules. » La voiture électrique rentre bien dans cette catégorie ! L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a publié, en novembre 2017, un bilan sur les impacts environnementaux des véhicules électriques. La voiture électrique réduit très peu les émissions de CO2 et ne concurrence pas la voiture thermique ! Le résultat est loin du miracle annoncé…
Les « gros » pollueurs face aux objectifs du GIEC ?
L’enjeu écologique pour protéger le climat et l’environnement ne doit pas s’arrêter là. Il suffit de tenir compte de l’ensemble des pollutions cumulatives liées au « fuel » et à tous ses dérivés. La baisse de l’utilisation massive des ressources pétrolières ne peut pas se résumer à la limitation de l’usage des voitures particulières par une hausse sélective des taxes sur les carburants.
Ecologie : quid du trafic aérien, des transports maritime et routier ? – montage : clubespace21.fr
On a tendance à oublier les immenses reconversions nécessaires au niveau international, voire planétaire. Incompatibles à court et moyen termes, elles concernent les particuliers pour leur chauffage domestique et les industriels pour leur production. L’« exhaustive » circulation routière des poids lourds, tant en Europe que dans le monde n’échappe pas à cette contrainte.
Les transports aérien et maritime, tous deux en « croissance », sont considérés comme les plus gros pollueurs, exonérés de taxes sur leur carburant, sauf dans de rares cas particuliers ! A noter que les 40 plus gros navires-cargos du monde polluent autant que l’ensemble du parc « automobile » de la planète.
Quant à la Chine et aux Etats-Unis, entre « autres », pour ne citer qu’eux, « ils regardent passer les trains ». Ces « géants » pollueurs, producteurs et « gros » consommateurs d’énergie, ne manqueront pas de nous réserver à moyen terme quelques surprises commerciales en matière de progrès et d’innovations technologiques.
Pendant ce temps là, nul ne se préoccupe de l’incapacité des pays « en voie de développement » à réagir devant ces nouveaux enjeux ! Avec une croissance en hausse et une forte démographie, qui les aidera à suivre ?
Les quelques pour cent (%) de voitures électriques, vendues en France dans les prochaines années, ne feront pas pencher la balance en faveur d’une écologie durable au niveau planétaire…
Un « non dit » est bien entretenu !
Jacques Martineau pour CE21