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Et si Theresa May avait raison ? (1ère partie)

Au-delà des « a priori » et des fortes critiques de l’UE...

L’objectif de cette réflexion est d’abord et avant tout de comprendre les motivations qui ont amené les Britanniques à se prononcer en faveur du BREXIT. Les principales raisons politiques identifiables sont au nombre de six. Dans une première partie nous essaierons de comprendre les 2 premières qui touchent à l’immigration et à l’hégémonie allemande dans les accords douaniers et de libre échange.

Theresa May devant les députés à la Chambre des Communes – source : Ouest-France



La première raison du BREXIT est la principale cause de la fracture de l’Europe. En représailles, l’UE impose des conditions sévères au Royaume Uni, notamment sur l’Irlande du Nord. Mais en examinant dans le détail les pertes et les gains potentiels pour le Royaume, serait-il crédible de dire que Theresa May ne défende pas les intérêts britanniques ?

1) A propos de l’immigration

Les commentateurs de télévision affirment que le flux de migrants s’est tari depuis le pic de 2015, et que le problème est derrière nous. C’est omettre de dire que cela résulte de la décision de l’Italie de ne plus accueillir les navires humanitaires. L’Espagne, aussi concernée, se contente de délivrer des documents pour permettre aux migrants de franchir les Pyrénées. Demeure toutefois le problème humanitaire crucial des milliers de migrants coincés dans l’enfer libyen. Pour les 30 années à venir, le risque est entièrement devant nous à cause de l’explosion démographique et du réchauffement climatique en Afrique.

Pour le court terme donc, le transfert puis l’accueil des migrants issus du sud de la Méditerranée sont permis par l’interprétation extensive de deux conventions des Nations-Unies : la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer et la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

Montego Bay Act (1982) – Pas de Calais - sauvetage en Manche – montage : clubespace21.fr



La première, entre autres dispositions, ouvre la possibilité de poursuites pénales contre les équipages des navires – de commerce ou garde-côte - qui ne porteraient pas secours aux embarcations, qui sont en détresse dès le départ des côtes libyennes (interprétation du HCR). Les navires britanniques n’ont aucun motif de sanction actuellement, car il peuvent croiser au large de la Lybie.

La seconde prévoit le détail des obligations envers les réfugiés qui relèvent du statut de 1951, en termes d’accueil, de logement, de ressources, d’éducation et de regroupement familial. Hors de l’Union, le Royaume-Uni ne devrait pas accueillir de réfugiés, n’étant plus tenu à une quelconque solidarité avec les Etats continentaux.

Pour sa part, le Royaume-Uni est isolé par la frontière naturelle du Channel qui a été efficace contre Napoléon et Hitler. Il entend préserver cette avantage géographique au moins dans l’immédiat à l’égard des flux migratoires.

2) L’hégémonie allemande dans les accords douaniers et de libre échange

L’analyse s’appuie sur le classement de 5 principaux membres de l’UE, respectivement en termes d’exportation et d’importation de biens et de services (exprimés en valeur) – Chiffres 2016.

Un comparatif explicite sur le commerce extérieur de 5 pays européens – source : clubespace21.fr



Le tableau montre que l’Allemagne est le premier exportateur avec un montant qui est plus du double de celui des suivants (plus du triple pour le Royaume Uni). Il en est de même pour les importations. Cela la conduit inévitablement à exercer son leadership en termes de commerce extérieur européen.

Illustrons par un exemple concret. Chaque Américain voulant exhiber un niveau social élevé doit posséder devant sa porte une Porsche, Mercedes ou BMW. L’objectif premier de l’économie allemande est donc d’exporter ses automobiles. Compte tenu de son poids, elle est aidée par les structures de la Commission et des directions de l’UE, largement contrôlées par des Allemands, qui possèdent l’exclusivité pour négocier les droits de douane et les accords de libre échange. A titre anecdotique, l’UE réclame au Royaume Uni 2,6 Md€ de droits de douane sur des importations chinoises.

Les accords de libre échange peuvent, certes, de façon caricaturale, se résumer à échanger des produits agricoles, de l’électroménager, des vêtements de confection à bas coût et de l’acier contre des automobiles allemandes. La menace de Trump de taxer fortement les importations d’automobiles européennes a été immédiatement suivie d’un voyage d’Angela Merkel puis de Claude Junker pour obtenir un accord au détriment de l’agriculture européenne.

Claude Juncker arrache à Washington un accord d’exception pour l’industrie automobile allemande – source : huffingtonpost.fr



Le Royaume Uni possède peu d’industries et d’agriculture exportatrices. L’UE ne l’aide donc pas significativement dans ces domaines. Ses exportations reposent essentiellement sur les services et l’activité financière de la City qui, au-delà de l’Europe, possèdent un fort potentiel mondial. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans la deuxième partie.

La France est dans une situation plus équilibrée comme le montre le tableau. Elle bénéficie paradoxalement pour son budget de son appartenance à la Zone Euro. L’Allemagne, qui possède un budget national excédentaire, n’est pas emprunteuse sur les marchés financiers. La France qui a un budget durablement déficitaire (en augmentation à 2,9% du PIB prévu en 2019) reste la seconde signature crédible dans la Zone Euro. Les taux d’intérêt de ses emprunts sont donc adossés aux taux allemands.

Sachant que le Royaume-Uni n’exporte presque pas et que l’Allemagne n’emprunte pas, seule la France a besoin en permanence d’emprunts qui satisfont les milieux financiers. Or c’est l’Allemagne qui (dans les faits) s’en porte garante. On comprend mieux alors le « merci », sans cesse renouvelé, à Angela Merkel !

Georges Seguin

Une deuxième partie vous sera proposée pour compléter les motivations profondes du BREXIT dans la prochaine Lettre du Club le 15 novembre.

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